Candida albicans
Ascomycota (phylum) – Saccharomycetales (ordre)
Étymologie
Les termes « Candida » et « albicans » proviennent du latin et désignent le blanc.
Aspect
C.albicans peut se présenter sous différentes formes selon les conditions environnementales :
- levures
- pseudo-hyphe ou filament
- vrai hyphe
Le levure peut également procéder à un changement phénotypique (phenotypic switching) et passer d’un phénotype blanc, à gris et à opaque. Chacun de ces phénotypes se distinguent dans l’apparence des cellules et des colonies mais aussi dans le profil d’expression génétique. Ce « switching white-opaque » est impliqué dans la reproduction sexuée de C. albicans. Ce sont les cellules opaques qui peuvent fusionner si elles sont de sexe opposées.
Finalement, C.albicans ( et C. dubliniensis) peut également former des chlamydospores ; Ces cellules à paroi épaisse apparaissent lors de conditions extrêmes (nutrition limitée, température basse et micro-aérophilie). Il a été supposé qu’elles sont très résistantes et permettent une survie en conditions extrême. Leur rôle reste encore à être démontré.

Pathogénèse
La maladie survient lorsque la relation hôte-microbiote-C.albicans est perturbée.
- Modification de la flore commensale
- antibiothérapie
- diabète
- Immunosuppression
- SIDA
- greffes d’organes
- chimiothérapie (agranulocytose)
- immunodéficience congénitale
- Brèche au niveau intestinal
- Chirurgie
- Traumatisme
D’autres facteurs peuvent également favoriser la survenue d’infection (cathéter central veineux, dialyse, temps prolongé en soins intensifs, nutrition parentérale uniquement).
Très souvent, les infections des muqueuses se caractérise par une colonisation fongique (une croissance extrême), s’associant à une réponse inflammatoire.
C. albicans dispose de différents facteurs de virulence, qui lui permettent de coloniser, d’envahir et de se disséminer dans l’organisme de son hôte (essentiellement l’être humain).
- transition levure-hyphe
Les levures sont mieux adaptées à la dissémination, tandis que les hyphes sont plus utiles pour l’invasion d’un tissu. Sans cette capacité de « switcher » les cellules sont totalement avirulentes. - adhésines
Les hyphes expriment des protéines qui permettent l’adhésion, les adhésines, lorsqu’elles sont au contact d’une surface. L’adhésion peut aussi bien se faire sur des surfaces biotiques que des surfaces abiotiques (cathéters, implants dentaires). - paroi cellulaire
Elle offre une stabilité osmotique et une protection contre les stress environnementaux. - formation de biofilm
C. albicans forme des biofilms sur des surfaces biologiques et abiotiques (cathéters, prothèses dentaires et articulaires).
Les biofilms augmentent la résistance aux antifongiques.
Une fois que le biofilm mature, les levures peuvent se disperser et se disséminer dans le corps. C’est le cas notamment à partir de biofilm sur cathéter. NB: Chez l’espèce C. auris, le biofilm sur des surfaces extérieures est source d’épidémie nosocomiale. - candidalysine
Il s’agit d’une toxine peptidique qui génère des pores dans la membrane cellulaire de l’hôte, afin que le contenu cytoplasmique qui en ressort soit utilisé comme nutriment pour C. albicans. - variabilité métabolique
Les ressources en glucose ou en micronutriments peuvent être très limitées selon les conditions imposées par l’hôte. La levure peut alors adapter son métabolisme pour utiliser différentes sources de carbones (autres que le glucose) à travers d’autres voies métaboliques. Elle peut également exprimer d’autres enzymes pour récupérer les micronutriments sous différentes formes (notamment le fer et le zinc). - bonne réponse au stress
C. albicans est très résistante au stress oxydatif ; elle peut exprimer des enzymes qui lui permettent de détoxifier les ROS, produire des antioxydants ou induire des réparations de l’ADN.
Variabilité génétique
C. albicans présente un très haut degré de plasticité génomique.
- Cycle parasexuel
On a longtemps pensé que C. albicans était un organisme diploïde asexué. La plupart des souches sont incapables de s’accoupler puisque ces individus sont hétérozyotes au locus MTL (mating type-like). Néanmoins, l’appariement peut avoir lieu lorsque certaines couches deviennent homozygotes au niveau du locus MTL (chromosome 5) et qu’il y a une complémentarité au niveau génotype MTL (MTLa/a et MTLalpha/alpha). Par conséquent, ce micro-organisme peut également suivre un cycle parasexuel. Les cellules qui sont générées sont tétraploïdes et vont subir une perte de chromosomes pour retourner à l’état diploïde.
Les populations de C. albicans se reproduisent majoritairement de manière clonale et ne s’apparient que lors de stress environnemental.
- Haut taux de mutations
Lors de conditions de stress, on assiste à des changements génétiques et phénotypiques, notamment les « Loss of heterozygosity » (LOH), pouvant se manifester en tant que délétions, conversion génique, perte de chromosome ou recombinaison mitotique. On peut également trouver des souches complètement aploides ou aneuploides.
Mode de transmission
C. albicans est un pathogène opportuniste, présent en tant que commensal chez l’humain. On la retrouve dans la cavité orale, les muqueuses du tractus intestinal et le tractus génital. Cette levure pénètre de manière endogène à partir du tube digestif, de la peau et des voies urinaires et génitales (essentiellement chez la femme).
Sa porte d’entrée est rarement exogène. Une infection exogène peut se faire au moyen d’objets contaminés ou de pratiques contaminant (cathéter, chirurgie abdominale…).
On peut également retrouver une transmission verticale, de la mère à l’enfant.
Syndrome clinique
La profondeur des atteintes varie suivant le degré et la sévérité de l’immunosuppression.
Candidose orale
Une perturbation de l’homéostasie orale va causer une infection opportuniste, caractérisée par une croissance exagérée de C. albicans. Il existe des facteurs prédisposants locaux (pauvre hygiène dentaire, prothèse dentaire, tabagisme …), des facteurs prédisposants systémiques (âges précoces et âges avancés, antibiothérapie, corticothérapie systémiques, tumeurs et autres maladies).
On divise la candidose orale en 2 groupes :
- La candidose orale primaire où l’infection affecte uniquement la cavité buccale et la zone péri-buccale.
- La candidose orale secondaire où elle représente une manifestation d’une maladie systémique.
La forme primaire inclut 4 types de manifestations :
- Candidose pseudomembranaire
Elle se caractérise par des plaques blanches sur la muqueuse buccale ; seule la couche supérieure est infectée.
Les parties touchées sont généralement la langue, la muqueuse buccale, le palais mou et dur.
- Candidose érythémateuse aigüe ou candidose atrophique aigüe
Elle se manifeste par une lésion rougeâtre et douloureuse sur le dos de la langue, associée à une sensation de brûlure et une altération du goût.
Elle survient généralement lors d’une thérapie systémique avec des antibiotiques larges-spectres, immunosuppresseurs et corticoïdes. En effet, ce genre de thérapie modifie la flore buccale.
- Candidose érythémateuse chronique ou candidose atrophique chronique
Cette manifestation survient chez les patients avec des prothèses dentaires en acrylique. Elle est favorisée par une mauvaise hygiène buccale et dentaire.
On retrouve des lésions rougeâtres sur les zones prothétiques qui peuvent s’accompagner de sensation de brûlure.
Mais, elle est souvent asymptomatique et découverte de manière fortuite lors d’un examen dentaire.
- Candidose hyperplasique ou nodulaire chronique
Ce sont des dépôts blanchâtres qui, à l’inverse d’une candidose pseudomembranaire, sont caractérisés par une infiltration en profondeur de la cavité buccale (ces plaques ne peuvent être détachées facilement). C. albicans pénètre en profondeur grâce à ses hyphes.
Ces dépôts se retrouvent sur les côtés latéraux de la langue.
Les formes secondaires de candidose orale sont une conséquences d’autres maladies qui lui permettent de proliférer et se mieux pénétrer dans les tissus, telles que :
- Chéilite angulaire
Inflammation des commissures de la langues qui se caractérise par une rougeur, une érosion, des croûtes recouvertes de plaques blanchâtres.
- Glossite rhomboïde médian
Inflammation du milieu de la langue avec une lésion lisse ou nodulaire, parfois asymptomatique
- Candidose mucocutanée chronique
Reflète une incapacité de se défendre contre les infections à Candida. Elle touche les muqueuses, la peau et les ongles
On passe d’une forme qui ressemble à la candidose pseudomembranaire puis à une forme plutôt hyperplasique.
Se rencontre chez enfants avec troubles immunitaires.
Manifestations gastro-intestinales
- La candidose œsophagienne est une manifestation gastro-entérique causée par C. albicans.
Il s’agit d’une manifestation qui est très présente chez les patients immunosupprimés (HIV, malignités hématologiques, transplantés) et chez les patients avec des comorbidités (diabète, alcool, tabagisme, antibiothérapie, glucocorticoïdes, chimiothérapie, radiothérapie, âge avancé).
Dans la muqueuse œsophagienne, on voit des planques blanches-jaunes ainsi que des lésions rougeâtres et ulcératives en-dessous.
Le système gastro-intestinal est un site préférentiel pour une invasion de C. albicans et, dans certain cas , pour une translocation dans la circulation sanguine, aboutissant à une candidémie.
Manifestations dermatologiques
C. albicans est responsable de 80-90% des infections dermatologiques fongiques. En effet, C. albicans fait parti de la flore de la peau et cause des infections en tant que pathogène opportuniste.
- La candidose mucocutanée se traduit, sur la peau, par des érythèmes, des érosions et des plaques blanchâtres, qu’on élimine facilement en grattant.
Les zones les plus touchées sont les creux interglutéaux, les plis inguinaux, la région sous-mammaires. - La paronychie est une inflammation de la zone péri-unguéale (autour de l’ongle) et l’onychomycose est une inflammation de l’ongle (souvent secondaire à la paronychie). Ce sont deux affections communes des infections dermatologiques à C. albicans.
- Des folliculites peuvent survenir dans les régions de la barbe chez les patients avec une immunosuppression sévère.
- Chez les bébés, on retrouve aussi la dermatite des langes qui est une inflammation non-allergique de la région fessière par C. albicans.
- Il existe également des candidoses congénitales qui apparaissent lors d’une infection intra-utérine. Elle se manifeste par des zones extensives d’érythème, de papules et pustules.
- La candidose néonatale est acquise lors de l’accouchement et la manifestation ressemble à la candidose de l’adulte. On parle de muguet du nouveau-né.
Manifestations génitales
- 15-20% des femmes sont des porteuses asymptomatiques et cela peut augmenter à 40% en cas de grossesse.
La candidose vulvovaginale apparaît, dans 70% environ des cas, au moins une fois dans la vie d’une femme.
- Chez les hommes, on retrouve la balanite (inflammation du gland) et la balanoposthite (inflammation du gland et du prépuce).
Candidose invasive
La candidose invasive apparaît lorsque l’infection s’est propagée dans la circulation. Une fois dans la circulation, C. albicans cause différentes manifestations selon l’organe touché :
- Sang : Candidémie
- Poumons : Abcès focal
- Rate et foie : Candidose disséminé et abcès focal
- Reins : Candidurie, pyélonéphrite, pyonéphrose, abcès
- Cœur : endocardite
- Yeux : choroïdite, rétinite, endophthalmite
- Cerveau : abcès cérébral, méningo-encéphalite
- Os : ostéomyélite, spondylodiscite
Epidémiologie
Plus d’un million de personnes décèdent chaque année d’une infection fongique et C. albicans figure parmi le plus fréquemment rencontré et donc comme le plus meurtrier des champignons avec 50% de mortalité lors d’infections invasives.
L’infection par C. albicans a déjà été décrite dans l’antiquité notamment l’atteinte de la muqueuse buccale (muguet). Depuis 1940, l’utilisation des antibiotiques et la médicalisation a entrainé une forte expansion des infections à C. albicans. Une augmentation de candidoses oropharyngées et œsophagiennes, a fait suite à la pandémie de sida dans les années 1980-1990 avant l’introduction des thérapies rétrovirales.
Diagnostic

- Examen direct : présence de chlamydiospores
- Croissance : colonie blanc-crème
- Culture sur plaque CHROMagar (milieu sélectif pour différencier les différents Candida) ou gélose Sabouraud (milieu sélectif des micromycètes)
- Hémocultures (<50% sont positives)
- Sérologie : détection de composants de la paroi cellulaire (mannanes; béta-glucan)
- PCR spécifiques
Traitement
Par sa nature eucaryote, C. albicans et l’humain ont en commun des mécanismes biologiques fondamentaux rendant plus difficile le développement de drogues champignons-spécifique.
La paroi cellulaire de C. albicans est une cible thérapeutique de choix puisque les cellules humaines n’en ont pas. Organisée en plusieurs couches, la paroi se compose surtout de chitine, de beta-1,6- et -1,3-glucanes, de manno-protéines et de fibres de mannanes. La paroi cellulaire est également une cible de choix et plus particulièrement l’ergostérol, stérol majeur, des champignons, absent dans les cellules humaines.
On ne compte à ce jour que 3 grandes classes d’antifongiques largement utilisés en clinique :
- les azoles (fluconazole, voriconazole) inhibe l’enzyme qui catalyse l’ergostérol (P450-dependant 14-alpha-sterol demethylase)
- les echinocandines (caspofongine, micafongine…) vont cibler la synthèse des beta-1,6-glucanes.
- l’ amphotéricine B lie l’ergostérol présent dans la membrane cellulaire
Lors de manifestations dermatologiques, le traitement sera topique et sera administré sur les zones infectées. Dans le cas où le traitement topique n’est pas efficace, comme c’est le cas chez les patients immunosupprimés, on propose un traitement systémique.
Les azoles topiques (miconazole) répondent plutôt efficacement aux candidoses cutanées.
Si on passe à un traitement systémique, on utilisera de préférence le fluconazole.
Suite à l’usage répété notamment chez les patients immunodéprimés d’antifongique, une résistance notamment aux azoles et aux echinocandines peut apparaitre. On estime qu’entre 3 et 5% des souches de C. albicans sont résistantes au fluconazole par exemple.
La nécessité de nouveaux en antifongiques est donc rendue encore plus pressente aux vues de l’émergence de la résistance aux antifongiques chez C. albicans et plus largement chez les champignons pathogènes.
Prévention
On recommande une prophylaxie antifongique pour les patients immunocompromis à risque ainsi qu’une bonne hygiène du personnel.
Microbes apparentés
C. auris a été découvert en 2009. Il s’agit d’une levure émergeante multi-résistante. Elle cause des infections invasives.
Ce pathogène opportuniste provoque également une candidose chez les patients avec un système affaibli. Cette levure est difficile à traiter à cause de sa nature multi-résistante. De plus, elle persiste dans l’environnement de patients colonisés et résiste à divers moyens de décontamination grâce à la formation de biofilms.
C. glabrata est un pathogène opportuniste qui cause également des candidoses invasives, surtout chez les patients immunosupprimés. Cette levure présente également une diminution de sensibilité au fluconazole. A noter que C. glabrata est incapable de pseudo-filamentation ou filamentation.
Références
Talapko, J. et al. Candida albicans—The Virulence Factors and Clinical Manifestations of Infection. J. Fungi 7, 79 (2021).
d’Enfert, C. et al. The impact of the Fungus-Host-Microbiota interplay upon Candida albicans infections: current knowledge and new perspectives. FEMS Microbiol. Rev. 45, fuaa060 (2020).
Ahmad, S. & Alfouzan, W. Candida auris: Epidemiology, Diagnosis, Pathogenesis, Antifungal Susceptibility, and Infection Control Measures to Combat the Spread of Infections in Healthcare Facilities. Microorganisms 9, 807 (2021).
Hassan, Y., Chew, S. Y. & Than, L. T. L. Candida glabrata: Pathogenicity and Resistance Mechanisms for Adaptation and Survival. J. Fungi 7, 667 (2021).