Cytomégalovirus humain (HHV-5):
Taxonomie
Cytomegalovirus (Genre) – Herpesviridae (Famille) – beta-herpesvirinae (sous-famille)
Présentation du virus et de son cycle
- Dans le genre CMV se trouve 11 espèces de virus, dont fait partie le human cytomegalovirus (HCMV, HHV-5). C’est cette espèce qui possède la capacité d’infecter l’être humain et à laquelle nous à laquelle nous intéresser ici. Les autres virus d’importances médicales appartenant à la famille des herpesviridae se trouvent dans le tableau ci-contre.
- HHV-5 est un virus icosaédrique et enveloppé, d’un diamètre de 150-200 nm. Son grand génome est composé d’ADN double-brin (dsDNA) et contient plus de 150 gènes.
- Une fois que le virus infecte une cellule, il peut suivre un cycle lytique ou lysogénique, en fonction du type cellule infectée. Lorsqu’il suit un cycle lytique (par exemple dans les fibroblastes, les cellules musculaires lisses et les cellules spécialisées au sein des organes), le virus se multiplie très rapidement et finit par faire exploser la cellule hôte de l’intérieur. Ceci conduit à la mort de l’hôte et à la libération de nombreux nouveaux virus. Lors que HHV-5 suit un cycle lysogénique (par exemple dans les cellules myéloïdes progénitrices et les monocytes), il va intégrer son génome à la cellule infectée sans la détruire. Lors des divisions cellulaires ultérieures de l’hôte, le génome virale sera également répliqué et transmis. HHV-5 peut ainsi rester latent dans un organisme durant de très longues périodes, pour se réactiver à la faveur d’une baisse d’activité du système immunitaire. On estime que 50-90% de la population adulte mondiale (en fonction des régions et du statut socio-économique) est victime d’une infection latente à HHV-5.


Réservoir et transmissions :
- Les humains sont les seuls réservoirs connus du HHV-5.
- Lors de la primo-infection et lors de réactivation, le virus circule dans l’organisme et peut-être transmis par différents fluides biologiques.
Il convient de noter que même chez un individu immunocompétent et asymptotique, le virus peut momentanément se réactiver, être excrété dans les fluides puis retourner à l’état de latence. - Le foetus sont typiquement infectés par voie transplacentaire tandis que les nouveau-nés le sont lors de la naissance (sécrétions vaginales) ou lors de l’allaitement (lait maternel).
Les enfants ont tendances à s’infecter par contact direct avec l’urine et la salive, les adultes lors de rapports sexuels non protégés (sperme, sécrétions vaginales). Les transfusions de sang et les greffes d’organes sont également des vecteurs d’infections.
À noter que dans un milieu extérieur, HHV-5 perd rapidement son pouvoir infectieux : la transmission nécessite un contact étroit avec la source.
Présentation clinique :
HHV-5 est un virus extrêmement fréquent dans la population générale. La présence ou l’absence de signes d’infections et de réactivation dépend principalement de la maturité du système immunitaire et de son niveau de d’activité. On distingue deux catégories de patients systématiquement à risques de développer une forme grave : les fœtus, et les personnes immunosupprimées.
Immunocompétent
- Chez l’hôte immunocompétent, la primo-infection et les éventuels réactivation sont le plus souvent asymptotiques. Dans 10% des cas, la primo-infection provoque un syndrome pseudo-grippale cliniquement indifférenciable d’une mononucléose. D’autres atteintes (colites ulcérantes, arthrites, méningite aseptiques, myocardites…) sont possibles mais très rares. Les marqueurs hépatiques peuvent également apparaitrent momentanément perturbés.
Foetus
- HHV-5 est l’infection congénitale la plus fréquente, touchant 0.2-2% de tous les nouveaux-nés. C’est également la première cause de surdité neurosensorielle non-héréditaire. Le risque de dégâts sur le foetus en développement est maximal durant le premier trimestre.
- L’infection du foetus à lieu par voie transplacentaire, vraisemblablement par le l’intermédiaire de leucocytes infectés jouant le rôle de chevaux de Troie à travers la barrière placentaire. Lors d’une primo-infection maternelle au moment de la grossesse, le risque d’infection foetale est estimé à 40%.
Lors d’une réactivation virale, le risque n’est plus que d’environ 1% et la probabilité de développer des séquelles grave est également plus faible.
Il convient de noter que même chez une femme enceinte déjà exposée au virus, il est possible d’avoir une nouvelle infection en cas de contact avec une souche différentes. - 10% des nouveaux-nées congénitalement infectés sont symptomatiques à la naissance. Ils peuvent présenter une très grande variété de symptômes, témoignant du caractère systémique de l’infection. Les manifestations typiquement incluent l’hépatosplénomégalie et l’ictère, la retard de croissance intra-utérine, la prématurité, les atteintes oculaires (choriorétinite) et les atteintes du systèmes nerveux central (microcéphalie, calcification périventriculaire, surdité neurosensorielle…).
Sur ces 10% symptomatiques à la naissance, environ 20% vont décéder, 20% vont ensuite se développer normalement et 60% auront des séquelles à vie (principalement d’ordre neuro-sensorielle).
90% des nouveaux-nées congénitalement infectés sont asymptotiques à la naissance, mais environ 10% développeront au court de l’enfance une surdité neurosensorielle.
Immunodéprimé
- En fonction de l’ampleur de l’immunosuppression, le risque et la gravité d’une primo-infection et d’une réactivation augmente. HHV-5 peut provoquer une infection opportuniste redoutée, en particulier chez les patients oncologiques, les patients transplantés (cellules souches ou organes solides) et les patients séropositifs au stade SIDA. Comme lors d’une infection congénitale, le virus peut provoquer différentes atteintes en fonction de l’organe touché.
- Les tableaux cliniques classiques sont l’hépatite, la rétinite, l’oesophagite et la colite, la pneumonie ainsi que divers atteintes du système nerveux centrale (myélite transverse, encéphalite) et périphérique (polyradiculonévrite axonale, mononévrite)
Diagnostic :
Biologie moléculaire
L’ADN du virus peut-être cherché par PCR dans tous les fluides et tissus de l’organisme, en fonction de la suspicion clinique. Le sérum est le plus utilisé (virémie), mais le lavage bronchoalvéolaire (pneumonie), le liquide céphalorachidien (atteinte du système nerveux) ou des pièces de biopsies (colites, rectite) peuvent également être utilisés. En plus d’une réponse binaire (présence versus absence de virus), la PCR peut être utilisé pour quantifier la charge virale, notamment dans le sang, ce qui permet d’évaluer la cinétique de l’infection. La PCR peut également servir à la recherche de résistance en séquençant, après amplification, les gènes cibles des antiviraux à la recherche de mutations. La PCR dans le sang est le diagnostic de choix pour documenter une réactivation du virus chez un patient immunosupprimé.
Sérologie :
La présence (+) ou l’absence (-) d’immunoglobuline ainsi que leurs types (IgG ou IgM) permet de renseigner sur le statut de l’hôte.
La présence d’IgG et l’absence d’IgM (IgG+/IgM-) parle en faveur d’une infection ancienne, avec le risque de réactivation.
En revanche, la présence d’en un premier temps d’IgM positive avec des IgG négatives (IgG-/IgM+) suivi de la positivation de ces dernières dans un second temps (IgG+/IgM ±) parle en faveur d’une primo-infection.
Finalement, la séronégativité (IgG-/IgM-) est la marque des hôtes naïfs. Ces derniers sont à risque d’une primo-infection.. Le diagnostic sérologique est utilisé en particulier chez la femme enceinte ou en désir de grossesse, chez les patients en attente d’une greffe ou immunosupprimé et chez les patients immunocompétents présentant par exemple des symptômes hépatiques.
examen cytologique :
Il peut être effectué sur des biopsies de tissus ou sur un fluide biologique préalablement centrifugé pour en isoler les cellules. Le but de cet examen n’est pas de voir directement le virus, mais de chercher des effets cytopathiques caractéristiques de l’infection à HHV-5 sur des cellules infectées. L’effet cytophatique le plus caractéristique de l’infection est l’inclusion à oeil de hiboux.
Culture cellulaire:
Cette technique, n’est plus beaucoup utilisée à cause de son manque de sensibilité et de sa lenteur. Elle consiste en l’inoculation d’un tapis de cellule par un échantillon contenant le virus. Après quelques semaines, on observe au microscope le tapis de cellule à la recherche d’effet cytophatique caractéristiques de l’infection à HHV-5. Cette technique est la seule qui permette d’avoir un échantillon de la souche virale et de réaliser, si nécessaire, un antivirogramme.
Traitement :
Inhibiteur de l’ADN polymérase virale :
4 médicaments agissant sur la même cible (ADN polymérase) sont disponibles contre HHV-5. Le ganciclovir (intraveineux) et sa prodrogue le valgancivlovir (oral), qui sont utilisés en prophylaxie et en première ligne, ainsi que le foscarnet (intraveineux) et le cidofovir (intraveineux) qui sont utilisés en deuxième ligne ou d’emblée en cas de souche résistante au ganciclovir.
Immunoglobulines :
Un sérum hyperimmun contenant des immunoglobulines anti-HHV-5 peut être utilisé en prophylaxie, ou en combinaison avec des inhibiteurs de l’ADN polymérase virale pour le traitement d’infections sévères.
Indications :
- Dans les cas d’infection congénitale, le consensus actuel est de traiter uniquement les nouveaux-nés sévèrement atteints, en particulier lors d’atteinte neurologique. L’incertitude quant à l’efficacité du traitement et sa toxicité décourage un traitement systématique de tous les nourrissons infectés.
- Pour les patients immunosupprimés, le traitement est indiqué dès la présence de symptômes compatibles (maladie à HHV-5), voir même déjà lors de réactivation virale chez un patient encore asymptotique (infection à HHV-5). La décision est prise en fonction de l’état général, de la gravité de l’immunosuppression et du risque de développer à court terme une maladie à HHV-5. Selon la gravité de l’immunosuppression, un traitement prophylactique peut également être initié (voir la section suivante).
Prévention :
- La prévention d’une maladie à HHV-5 passe par la prévention de la primo-infection chez les hôtes naïfs, la prévention de la réactivation chez les hôtes chez qui le virus survit au stade de latence et la prévention d’une passage de l’infection à HHV-5 à la maladie.
- Prévention de la primo-infection : Chez une femme-enceinte et les patients immunosupprimés séronégatifs, la prévention de la primo-infection passe par un respect strict des règles d’hygiènes de bases (lavages des mains régulier, ne pas partager de nourriture/boissons…). Tout fluide biologique est potentiellement infectieux. Le respect de ces règles simples est rendu difficile par la haute prévalence des infections actives et latentes dans la population générales. Pour les patients recevant une greffe, la prévention d’une infection passe par un matching entre receveur séronégatifs et donneur séronégatifs (D-/R-). Le risque le plus élevée est au cours d’une greffe entre un donneur séropositif et un receveur séronégatif (D+/R-)
- Prophylaxie : Quel que soit le microbe en question, le traitement prophylactique est est traitement donné d’office à certains patients considérés comme à haut risque de développer une maladie infectieuse en fonction d’une stratification du risque effectuée a priori. La prophylaxie consiste le plus généralement en l’administration d’un agent antimicrobien à une dose inférieure que celle utilisée lors que la maladie est déjà installée (dose curative). Pour HHV-5, le traitement prophylactique consiste le plus souvent en ganciclovir (iv) ou en valgancicovir (po). La dose utilisée en prophylaxie est environ la moitié de la dose utilisé en cas de maladie (dose curative). Un sérum hyper immun peut également être utilisé, mais ce choix est plus rarement fait depuis l’introduction d’un agent antiviral oral.
- Traitement préemptif : Quel que soit le microbe en question, le traitement préemptif est est traitement donné à certains patients considérés comme à haut risque de développer une maladie suite (a posteriori) à ce qu’un contrôle de laboratoire mette en évidence une infection encore asymptomatiques. Cette fois, l’agent antimicrobien est le plus souvent utilisé à dose curative. Pour le HHV-5, l’initiation d’un traitement préemptif se base sur la présence d’une virémie asymptomatique mettant à risque le patient de développer à court terme une maladie à HHV-5. Le valganciclovir et le ganciclovir sont alors généralement utilisées à pleine dose jusqu’à la négativiation des tests.